Témoignage de Robert Gallois


Après l’appel lancé de Londres par le général de Gaulle, l’espoir de revanche va renaître dans le cœur de certains Français. C’est une jeune fille de La Frette, Paulette Jacquier, qui deviendra Marie-Jeanne dans la Résistance, qui, dès 1941 après plusieurs tentatives pour rejoindre Londres, va prendre contact avec des grands chefs de la Résistance à Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble; elle leur servira d’agent de liaison. Fin 1942, elle va créer son propre groupe avec Furminieux le coiffeur, Gallois le garagiste, Zannier Marius et Mme Manhès puis viendront les rejoindre les frères Porchier, Louis et Henry, Fuzier Pierre. C’est chez Mme Manhès que se tenaient les réunions de ces hommes pour l’organisation du réseau qui va s’étendre dans les villages voisins. Fin 43, Guy et Roger puis Alfred Buttin, de Rives, viennent renforcer ce groupe. Dès lors, une grande activité nocturne va régner dans le village. Il faut trouver des armes, du ravitaillement, des fausses cartes d’identité, des tickets d’alimentation pour les réfractaires au S.T.O qui ont rejoint le maquis ou se cachent dans des fermes accueillantes. Le garage Gallois va servir de lieu de stationnement des véhicules, de dépôt d’armes et de carburant. Le père et le fils Gallois assurent l’entretien de ces tractions avant si redoutées de l’ennemi.

Après plusieurs dénonciations à la Préfecture par des collaborateurs avec l’ennemi, le dimanche 7 mai 1944, les villages de La Frette, Bévenais, Longechenal et le Grand Lemps sont cernés par la Milice avec à leur tête Francis André dit “Gueule tordue” et les troupes d’occupation allemandes pour anéantir ce Maquis qui s’était installé dans une vieille ferme sur le chemin de Michenand qui relie Bévenais à Longechenal et qu’ils ne trouveront pas. De colère, ils feront sauter les 4 maisons qui se trouvaient là. Dès 6 heures du matin, une vingtaine de personnes, parmi eux des résistants qui font partie du groupe de Marie-Jeanne, sont arrêtées et emmenées dans la salle de classe de La Frette où ils subissent jusqu’au milieu de l’après-midi, sans manger ni boire, un interrogatoire où ils sont roués de coups, pour leur faire avouer où se cache le Maquis. Beaucoup de personnes des villages voisins seront amenées au cours de la journée pour être interrogées puis relâchées en fin d’après-midi. Ce sont 14 résistants qui vont prendre la direction de Lyon pour être internés à la prison de Montluc: Gallois Antoine, Fuzier Pierre, Porchier Louis, Zannier Marius, Durand Joseph de la Frette, Combalot Joseph et Faye Clément de Bévenais, les frères Roudet, Clavel Marius de Longechenal, Buisson Joseph de Bossieu, Roger de Marais de Moirans, Jauris Didier du Grand Lemps. Didier sera relâché quelques jours après, pour les autres, ce sera Compiègne, puis les camps d’extermination en Allemagne. Gallois Antoine, Roudet Henry , Clavel Marius, Roger du Marais, Combalot Joseph et Buisson Joseph ne reviendront pas car ils sont morts d’épuisement et de faim.

Le 12 juillet 1944, un dur combat a lieu au col du Banchet entre le Groupe Franc Guy Roger et l’ennemi (l’ennemi était également attendu à Saint Laurent de Mure et cette embuscade devait être annulée mais la crevaison du vélo de l’estafette Couturier….) Porchier Henry de la Frette, Buttin Alfred de Rives et Tino Langafamme trouveront la mort; le curé de Fure, Jallud, qui passait vers Longechenal, les a assisté (Les allemands avaient été ramassés en vitesse). Marie-Jeanne, en tentant de rejoindre ses camarades est capturée et emmenée à Bourgoin où elle est interrogée, puis enfermée pour la nuit au 2è étage d’où elle réussit à sortir en sautant par la fenêtre et rejoint le Maquis des Chambarans.

Le lendemain, notre village et la “Montagne” de St Hilaire vont connaître la fureur de l’ennemi, des miliciens et de la Gestapo. Ils pendent Lucien Ballay à l’arbre qui se trouve dans sa cour, ils fusillent un juif réfugié à la Montagne, arrêtent son épouse et sa fille, incendient la ferme Farnoux où séjournait le Groupe Franc Guy Roger, envahissent la ferme Pejot à Tamuzière, maltraitent ses habitants et arrêtent les 2 fils, Marc et Louis. Ils les emmènent, ainsi que les 2 femmes juives, à la Frette où la terreur règne: ils arrêtent Marguerite Porchier, épouse d’Henry tué la veille, pillent et incendient son épicerie; ils fusillent Lucien Jacquier, père de Marie-Jeanne devant sa ferme en flammes. Au salon de coiffure de Turminieux, ils ne trouvent personne car sa femme et sa fille ont pu s’enfuir quelques instants avant; ils l’incendient. Plusieurs personnes sont arrêtées; finalement, ils emmènent Marguerite Porchier, les 2 frères Pejot, les 2 femmes juives, Alexandre Deschenaud, Burion à Lyon, à la prison de Montluc. Burion Roger et Pejot Louis seront relâchés quelques jours plus tard. Marguerite Porchier restera à Montluc et sera délivrée lors de la Libération fin août; elle reviendra à la Frette retrouver ses 2 enfants et ses parents car c’est tout ce qui reste de son foyer. Les 4 autres seront déportés dans les camps de concentration en Allemagne. Pejot Marc décédera à Matthausen; Deschenaud Alexandre en reviendra après avoir connu l’enfer de Dachau , comme les 2 femmes juives.

Après la Libération, une vingtaine de jeunes Frettois dont treize vont rejoindre Marie-Jeanne au Bataillon de Chambaran et les autres dans les F.F.L s’engageront dans l’armée régulière jusqu’à la victoire finale (plus 3 mois..) du 8 mai 1945.

Témoignage de L. Robin-Brosse

En septembre 1944, treize jeunes Frettois partent au Maquis de Chambaran, où ils seront répartis dans 2 compagnies. Ils y subissent un entraînement intensif et la compagnie où sont engagés 4 d’entre eux est affectée à Servance, dans les Vosges, puis engagée à Fresse dans les combats pour la libération de Belfort, en particulier au col de la Cheveteraie du 19 au 25 novembre 1944; ils se reposent ensuite à côté de Vesoul (Hte Saône). Ils sont affectés ensuite à la réduction de la poche de Royans (Charente) et engagés à Marcillac (Gironde) du 15 au 22 décembre et à Virelay (Charentes). Pour contrer la contre-attaque allemande des Ardennes, ils sont envoyés à Sélestat

(Alsace) du 1 au 19 janvier. Les 2 compagnies sont envoyées pour la réduction de la poche de Colmar où H. Pilon sera tué le 25 janvier 1945 et A. Bonin blessé. La bataille d’Alsace prend fin le 16 février 45 . Ils sont envoyés dans les Alpes Maritimes, à Castillon dans l’arrière-pays niçois. Combat pour la libération de Breil/Roya jusqu’au 24 avril, où René Jourdan dit “Dédé” est blessé. Repos à Antibes où leur parvient la nouvelle de l’armistice du 8 mai (défilés à Antibes le matin, à Cannes l’après-midi) Ils sont envoyés ensuite à Meaux (Seine-et-Marne), avec défilés à Paris le 18 juin et le 14 juillet, puis au Fort de Vincennes où ils sont démobilisés en octobre 1945.

Seul Pilon Henry sera tué en Alsace le 25 Janvier 1945 avec 32 de ses camarades de la 1ère DFL.

Liste de ceux qui ont rejoint Marie-Jeanne (Paulette Jacquier) au Maquis de Chambaran : Robin-Brosse Louis, Jourdan René, Pilon Henry, Bergeret Auguste, Fayolle Pierre, Dewulf Albert, Yézéguélian Paul, Desmond Joseph, Vincendon Louis, Vincendon Martial, Chevallier Raymond, Bonin André, Guaitoli Armand.